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dans cette misérable allée ? C’est bien le diable qui m’y a poussé quand j’y suis entré.

Et puis mes larmes coulaient : Eh mon Dieu ! où en suis-je ? Eh mon Dieu ! tirez-moi d’ici, disais-je après. Voilà de méchantes gens que cette Habert aînée et M. Doucin ; quel chagrin ils me donnent avec leur président où il a fallu que j’aille ; et puis de soupirer, puis de pleurer, puis de me taire et de parler. Mon pauvre père ne se doute pas que je suis en prison le jour de ma noce, reprenais-je ; et cette chère Mlle Habert qui m’attend, ne sommes-nous pas bien en chemin de nous revoir ?

Toutes ces considérations m’abîmaient de douleur ; à la fin pourtant d’autres réflexions vinrent à mon secours : Il ne faut point me désespérer, disais-je, Dieu ne me délaissera pas. Si ce geôlier rend ma lettre à Mlle Habert, et qu’il lui apprenne mon malheur, elle ne manquera pas de travailler à ma délivrance.

Et j’avais raison de l’espérer, comme on le verra. Le geôlier ne me trompa point. La lettre de Mme de Ferval fut portée une ou deux heures après à ma future ; ce fut lui-même qui en fut le porteur, et qui l’instruisit de l’endroit où j’étais ; il vint me le dire à son retour, en m’apportant quelque nourriture qui ne me tenta point.

Bon courage, me dit-il, j’ai donné votre lettre à la demoiselle ; je lui ai dit que vous étiez en prison, et