Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1827, tome 8.djvu/51

Cette page n’a pas encore été corrigée

C’était une gorge bien faite (il ne faut pas oublier cet article-là qui est presque aussi considérable que le visage dans une femme), gorge fort blanche, fort enveloppée, mais dont l’enveloppe se dérangeait quelquefois par un geste qui en faisait apparaître la blancheur, et le peu qu’on en voyait alors en donnait la meilleure idée du monde.

C’était de grands yeux noirs qu’on rendait sages et sérieux, malgré qu’ils en eussent, car foncièrement ils étaient vifs, tendres et amoureux.

Je ne les définirai pas en entier : il y aurait tant à parler de ces yeux-là, l’art y mettait tant de choses, la nature y en mettait tant d’autres, que ce ne serait jamais fait si on en voulait tout dire, et peut-être qu’on n’en viendrait pas à bout. Est-ce qu’on peut dire tout ce qu’on sent ? Ceux qui le croient ne sentent guère, et ne voient apparemment que la moitié de ce qu’on peut voir.

Venons à la physionomie que composait le tout ensemble.

Au premier coup d’œil on eût dit de celle qui la portait ; Voilà une personne bien grave et bien posée.

Au second coup d’œil : Voilà une personne qui a acquis cet air de sagesse et de gravité, elle ne l’avait pas. Cette personne-là est-elle vertueuse ? La physionomie disait oui, mais il lui en coûte ; elle se gouverne mieux qu’elle n’est souvent tentée de le faire : elle se refuse au plaisir, mais elle l’aime, gare qu’elle n’y cède. Voilà pour les mœurs.

Quant à l’esprit, on la soupçonnait d’en avoir beaucoup,