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comme par réflexion et en riant ; il faut pourtant qu’elle ait de bons yeux, toute retirée qu’elle a vécu, et je ne la plains pas ; mais surtout vivez en honnête homme avec elle, je vous y exhorte, mon garçon, et faites après de votre cœur ce qu’il vous plaira, car à votre âge on ne le garde pas.

Hélas ! madame, lui dis-je, à quoi me servirait-il de le donner ? Qui est-ce qui voudrait d’un villageois comme moi ? Oh ! reprit-elle en secouant la tête, ce ne serait pas là la difficulté. Vous m’excuserez, madame, lui dis-je, parce que ce ne serait pas ma pareille que j’aimerais, je ne m’en soucierais pas, ce serait quelque personne qui serait plus que moi ; il n’y a que cela qui me ferait envie.

Eh bien ! me dit-elle, c’est là penser à merveille, et je vous en estime davantage : ce sentiment-là vous sied bien, ne le perdez pas, il vous fait honneur, et il vous réussira, je vous le prédis. Je m’y connais, vous devez m’en croire, ayez bon courage ; et c’était avec un regard persuasif qu’elle me disait cela. À propos de cœur, ajouta-t-elle, êtes-vous né un peu tendre ? C’est la marque d’un bon caractère.

Oh pardi, je suis donc du meilleur caractère du monde, repris-je. Oui-da, dit-elle, ha, ha, ha... ce gros garçon, il me répond cela avec une vivacité tout à fait plaisante. Eh ! parlez-moi franchement, est-ce que vous auriez déjà quelque vue ? Aimeriez-vous actuellement quelque personne ?

Oui, lui dis-je, j’aime toutes les personnes à qui