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cas ? je croyais l’affaire bien différente, et si tout ce qu’il dit est vrai, il ne serait ni juste ni possible de s’opposer à un mariage qui n’a point d’autre défaut que d’être ridicule à cause de la disproportion des âges.

Sans compter, dit la dame parente, qu’on en voit tous les jours de bien plus grandes, de ces disproportions, et que celle-ci ne sera sensible que dans quelques années, car votre sœur est encore fraîche.

Et d’ailleurs, dit la présidente d’un air conciliant, elle est sa maîtresse, cette fille ; et ce jeune homme n’a contre lui que sa jeunesse, dans le fond.

Et il n’est pas défendu d’avoir un mari jeune, dit l’abbé d’un ton goguenard.

Mais n’est-ce pas une folie qu’elle fait, dit Mlle Habert, dont toutes ces généalogies avaient mis la tête en désordre ; et n’y a-t-il pas de la charité à l’en empêcher ? Vous, madame, qui m’avez tant promis d’engager M. le président à me prêter son secours, ajouta-t-elle en parlant à cette dame dévote, est-ce que vous ne le presserez point d’agir ? Je comptais tant sur vous.

Mais, ma bonne demoiselle Habert, reprit la dame, il faut entendre raison. Vous m’avez parlé de ce jeune homme comme du dernier des malheureux, n’appartenant à personne, et j’ai pris feu là-dessus ; mais point du tout, ce n’est point cela, c’est le fils d’honnêtes gens d’une bonne famille de Champagne, d’ailleurs un garçon raisonnable ; et je vous avoue que je me ferais un scrupule de nuire à sa petite fortune.