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c’est donc à moi à parler à présent ; chacun à son tour, ce n’est pas trop.

Vous dites, monsieur le président, que si je veux épouser Mlle Habert la cadette, on m’en empêchera bien ; à quoi je vous réponds que si on m’en empêche, il me sera bien force de la laisser là ; à l’impossible nul n’est tenu ; mais que si on ne m’en empêche pas, je l’épouserai, cela est sûr, et tout le monde en ferait autant à ma place.

Venons à cette heure aux injures qu’on me dit ; je ne sais pas si la dévotion les permet ; en tout cas, je les mets sur la conscience de mademoiselle qui les a proférées. Elle dit que Dieu nous écoute, et tant pis pour elle, car ce n’est pas là de trop belles paroles qu’elle lui a fait entendre ; bref, à son compte, je suis un misérable, un gredin ; sa sœur une folle, une pauvre vieille égarée ; à tout cela il n’y a que le prochain de foulé, qu’il s’accommode. Parlons de moi. Voilà, par exemple, Mlle Habert l’aînée, monsieur le président ; si vous lui disiez comme à moi, toi par-ci, toi par-là, qui es-tu ? qui n’es-tu pas ? elle ne manquerait pas de trouver cela bien étrange ; elle dirait : Monsieur, vous me traitez mal ; et vous penseriez en vous-même : Elle a raison ; c’est mademoiselle qu’il faut dire : aussi faites-vous ; mademoiselle ici, mademoiselle là, toujours honnêtement mademoiselle et à moi toujours tu et toi.