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je voulais dire mes raisons tout de suite, et je n’avais pas perdu mon temps pendant mon silence ; j’avais jeté de fréquents regards sur la dame dévote, qui y avait pris garde, et qui m’en avait même rendu quelques-uns à la sourdine ; et pourquoi m’étais-je avisé de la regarder ? C’est que je m’étais aperçu par-ci par-là qu’elle m’avait regardé elle-même, et que cela m’avait fait songer que j’étais beau garçon ; ces choses-là se lièrent dans mon esprit : on agit dans mille moments en conséquence d’idées confuses qui viennent je ne sais comment, qui vous mènent, et qu’on ne réfléchit point.

Je n’avais pas négligé non plus de regarder la présidente, mais celle-là d’une manière humble et suppliante. J’avais dit des yeux à l’une : Il y a plaisir à vous voir, et elle m’avait cru ; à l’autre : Protégez-moi, et elle me l’avait promis ; car il me semble qu’elles m’avaient entendu toutes deux, et répondu ce que je vous dis là.

M. l’abbé même avait eu quelque part à mes attentions ; quelques regards extrêmement honnêtes me l’avaient aussi disposé en ma faveur ; de sorte que j’avais déjà les deux tiers de mes juges pour moi, quand je commençai à parler.

D’abord je fis faire silence, car de la manière dont je m’y pris, cela voulait dire : Écoutez-moi.

Monsieur le président, dis-je donc, j’ai laissé parler mademoiselle à son aise, je l’ai laissé m’injurier tant qu’il lui a plu : quand elle ferait encore un discours d’une heure, elle n’en dirait pas plus qu’elle en a dit ;