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et me voilà donc à la Comédie, d’abord au chauffoir, ne vous déplaise, où le comte d’Orsan trouva quelques amis qu’il salua.

Ici se dissipèrent toutes ces enflures de cœur dont je vous ai parlé, toutes ces fumées de vanité qui m’avaient monté à la tête.

Les airs et les façons de ce pays-là me confondirent et m’épouvantèrent. Hélas ! mon maintien annonçait un si petit compagnon, je me voyais si gauche, si dérouté au milieu de ce monde qui avait quelque chose de si aisé et de si leste ! Que vas-tu faire de toi ? me disais-je.

Aussi, de ma contenance, je n’en parlerai pas, attendu que je n’en avais point, à moins qu’on ne dise que n’en point avoir est en avoir une. Il ne tint pourtant pas à moi de m’en donner une autre ; mais je crois que je n’en pus jamais venir à bout, non plus que d’avoir un visage qui ne parût ni déplacé ni honteux ; car, pour étonné, je me serais consolé que le mien n’eût paru que cela, ce n’aurait été que signe que je n’avais jamais été à la Comédie, et il n’y aurait pas eu grand mal ; mais c’était une confusion secrète de me trouver là, un certain sentiment de mon indignité qui m’empêchait d’y être hardiment, et que j’aurais bien voulu qu’on ne vît pas dans ma physionomie, et qu’on n’en voyait que mieux, parce que je m’efforçais de le cacher.