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brièvement, parce qu’il le voulut ainsi, et que je craignais d’ailleurs de m’engager dans quelque tournure de compliment qui ne fût pas d’un goût convenable. Quand on manque d’éducation, il n’y paraît jamais tant que lorsqu’on veut en montrer.

Je remerciai donc dans les termes les plus simples ; ensuite : Mon nom est la Vallée, lui dis-je ; vous êtes un homme de qualité, et moi je ne suis pas un grand monsieur ; mon père demeure à la campagne où est tout son bien, et d’où je ne fais presque que d’arriver dans l’intention de me pousser et de devenir quelque chose, comme font tous les jeunes gens de province et de ma sorte (et dans ce que je disais là, on voit que je n’étais que discret et point menteur).

Mais, ajoutai-je d’un ton plein de franchise, quand je ne ferais de ma vie rien à Paris, et que mon voyage ne me vaudrait que le plaisir d’avoir été bon à un si honnête homme que vous, par ma foi, monsieur, je ne me plaindrais pas, je m’en retournerais content. Il me tendit la main à ce discours, et me dit : Mon cher la Vallée, votre fortune n’est plus votre affaire, c’est la mienne, c’est l’affaire de votre ami ; car je suis le vôtre, et je veux que vous soyez le mien.

Le carrosse s’arrêta alors, nous étions arrivés à la Comédie, et je n’eus le temps de répondre que par un souris à de si affectueuses paroles.

Suivez-moi, me dit-il après avoir donné à un laquais de quoi prendre des billets ; et nous entrâmes ;