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raison et d’équité ; ainsi, soyez en repos, défendez-vous honnêtement, et tenez bon.

Aussi ferai-je, mon cher monsieur, lui dis-je ; je vous remercie du conseil, quelque jour je vous le revaudrai si je puis, mais je vous dirai que je vais là aussi gaillard qu’à ma noce.

Ce fut en tenant de pareils discours que nous arrivâmes chez son maître. Apparemment que mon histoire avait éclaté dans la maison ; car j’y trouvai tous les domestiques assemblés qui me reçurent en haie sur l’escalier.

Je ne me démontai point ; chacun disait son mot sur ma figure, et heureusement, de tous ces mots, il n’y en avait pas un dont je pusse être choqué ; il y en eut même de fort obligeants de la part des femmes. Il n’a pas l’air sot, disait l’une. Mais vraiment la dévote a fort bien choisi, il est beau garçon, disait l’autre.

À droit, c’était : Je suis bien aise de sa bonne fortune ; à gauche : J’aime sa physionomie. Qu’il m’en vienne un de cette mine-là, je m’y tiens, entendais-je dire ici. Vous n’êtes pas dégoûtée, disait-on là.

Enfin je puis dire que mon chemin fut semé de compliments, et si c’était là passer par les baguettes, du moins étaient-elles les plus douces du monde, j’aurais eu lieu d’être bien content, sans une vieille gouvernante qui gâta tout, que je rencontrai au haut de l’escalier, et qui se fâcha sans doute de me voir si jeune, pendant qu’elle était si vieille et si éloignée de la bonne fortune de Mlle Habert.