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et non pas intéressée ; de sorte que, pendant qu’elle parlait, je n’étais pas d’accord avec moi-même sur ce que je devais lui répondre.

Mais je n’eus pas le temps de me déterminer, parce que ce bourgeois en question arriva et nous surprit ; il fronça le sourcil, mais insolemment, en homme qui peut mettre ordre à ce qu’il voit ; il est vrai que je tenais la main de cette femme quand il entra.

Elle eut beau le prendre d’un air riant avec lui, et lui dire même : Je vous attendais ; il n’en reprit pas plus de sérénité, et sa physionomie resta toujours sombre et brutale. Heureusement, vous ne vous ennuyez pas ; ce fut là tout ce qu’elle en put tirer.

Pour moi, je ne daignai pas jeter les yeux sur lui, et ne cessai point d’entretenir cette femme de mille cajoleries, pour le punir de son impertinent procédé. Après quoi je sortis.

Le jeune homme en était là de son récit, quand le cocher arrêta à quelques pas de la maison où il nous menait, et dont il ne pouvait approcher à cause de deux ou trois carrosses qui l’en empêchaient. Nous sortîmes du fiacre ; je vis le jeune homme parler à un grand laquais, qui ensuite ouvrit la portière d’un de ces carrosses. Montez, mon cher ami, me dit aussitôt mon camarade. Où ? lui dis-je. Dans ce carrosse, me répondit-il ; c’est le mien, que je n’ai pu prendre en allant chez la femme en question.

Et remarquez qu’il n’y avait rien de plus leste que cet équipage.