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de cela, et lui dis : Il y a bien du monde, on nous pousse, que j’aie l’honneur de vous donner la main pour plus de sûreté, madame.

Je le veux bien, dit-elle d’un air aisé, car je marche mal ; et je la menai ainsi, toujours l’entretenant du plaisir que j’avais eu à la voir, et de ce que j’avais fait pour la voir de plus près.

N’est-ce pas vous aussi, monsieur, que j’ai vu dans une telle loge ? me dit-elle comme pour m’insinuer à son tour qu’elle m’avait démêlé.

Et de discours en discours, nous arrivâmes jusqu’en bas, où un grand laquais (qui n’avait pas trop l’air d’être à elle, à la manière prévenante dont il se présenta, ce qui est une liberté que ces messieurs-là ne prennent pas avec leur maîtresse) vint à elle, et lui dit qu’on aurait de la peine à faire approcher le carrosse ; mais qu’il n’était qu’à dix pas. Eh bien ! allons jusque-là, sauvons-nous, dit-elle à sa compagne, n’est-ce pas ? Comme il vous plaira, reprit l’autre ; et je les y menai en rasant la muraille.

Le mien, je dis mon carrosse, n’était qu’à moitié chemin, notre court entretien m’avait enhardi, et je leur proposai sans façon d’y entrer, et de les ramener tout de suite chez elles pour avoir plus tôt fait ; mais elles ne voulurent pas.

J’observai seulement que celle que je tenais jetait un coup d’œil sur l’équipage, et l’examinait ; et nous arrivâmes au leur qui, par parenthèse, n’appartenait à aucune d’elles, et n’était qu’un carrosse de remise qu’on leur avait prêté.