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en un mot ; vous sentez bien que cela devient sérieux, surtout quand on a affaire à un des plus honnêtes hommes du monde, à un neveu qui aurait mérité d’être fils de roi. Je n’ai jamais vu d’âme si noble.

Par quel hasard, me direz-vous, s’était-il trouvé exposé au péril dont vous le tirâtes ? Vous l’allez voir.

Où allons-nous ? lui dit le cocher. À tel endroit, répondit-il ; et ce ne fut point le nom d’une rue qu’il lui donna, mais seulement le nom d’une dame : Chez madame la marquise une telle ; et le cocher n’en demanda pas davantage, ce qui marquait que ce devait être une maison fort connue, et me faisait en même temps soupçonner que mon camarade était un homme de conséquence. Aussi en avait-il la mine, et je soupçonnais juste.

Ah ça ! mon cher ami, me dit-il dans le trajet ; je vais vous dire la vérité de mon histoire, à vous.

Dans le quartier d’où nous sortons, il y a une femme que je rencontrai il y a quelques jours à l’Opéra. Je la remarquai d’une loge où j’étais avec des hommes ; elle me parut extrêmement jolie, aussi l’est-elle ; je demandai qui elle était, on ne la connaissait pas. Sur la fin de l’Opéra, je sortis de ma loge pour aller la voir sortir de la sienne, et la regarder tout à mon aise. Je me trouvai donc sur son passage, elle ne perdait rien à être vue de près ; elle était avec une autre femme assez bien faite ; elle s’aperçut de l’attention avec laquelle je la regardais ; et de la façon dont elle y prit garde, il me sembla qu’elle me disait : En demeurerez-vous là ? Enfin, je vis je ne sais