Je lui dis qu’il n’y avait pas là une grande générosité ; que tout honnête homme à ma place aurait fait de même. Ensuite : N’auriez-vous pas besoin de vous reposer plus longtemps, lui dit M. d’Orville, ne sortez-vous pas trop tôt ? N’êtes-vous pas affaibli ? Nullement, monsieur, il n’y a point de danger, dit à son tour le chirurgien ; monsieur est en état de se retirer chez lui, il ne lui faut qu’une voiture ; on en trouvera sur la place voisine.
Aussitôt la petite servante part pour en amener une ; la voiture arrive ; le blessé me prie de ne le pas quitter ; j’aurais mieux aimé rester pour avoir le plaisir d’être avec Mme d’Orville ; mais il n’y avait pas moyen de le refuser, après le service que je venais de lui rendre.
Je le suivis donc ; une petite toux, qui prit au mari, abrégea toutes les politesses avec lesquelles on se serait encore reconduit de part et d’autre ; nous voilà descendus ; le chirurgien, qui nous reconduisit jusque dans la cour, me parut très révérencieux, apparemment qu’il était bien payé ; nous le quittons, et nous montons dans notre fiacre.
Je n’attendais rien de cette aventure-ci, et ne pensais pas qu’elle dût me rapporter autre chose que l’honneur d’avoir fait une belle action. Ce fut là pourtant l’origine de ma fortune, et je ne pouvais guère commencer ma course avec plus de bonheur.
Savez-vous qui était l’homme à qui probablement j’avais sauvé la vie ? Rien qu’un des neveux de celui qui pour lors gouvernait la France, du premier ministre,