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que je dirai de lui à cet égard. C’en est assez sur un homme que je n’ai guère vu, et dont la femme sera bientôt veuve.

Il n’y a point de remercîments qu’il ne me fît sur mon aventure de Versailles avec Mme d’Orville, point d’éloges qu’il ne donnât à mon caractère ; mais j’abrège. Je ne vis point la mère ; apparemment elle était sortie. Nous parlâmes de M. Bono, qui nous avait recommandé de l’aller voir, et il fut décidé que nous nous y rendrions le lendemain, et que, pour n’y aller ni plus tôt ni plus tard l’un que l’autre, je viendrais prendre Mme d’Orville sur les deux heures et demie.

Nous en étions là, quand le blessé entra dans la chambre avec le chirurgien. Autres remercîments de sa part sur tous les secours qu’il avait reçus dans la maison ; force regards sur Mme d’Orville, mais modestes, respectueux, enfin ménagés avec beaucoup de discrétion ; le tout soutenu de je ne sais quelle politesse tendre dans ses discours, mais d’une tendresse presque imperceptible et hors de la portée d’un mari, qui, quoiqu’il aime sa femme, l’aime en homme tranquille, et qui a fait sa fortune auprès d’elle, ce qui lui ôte en pareil cas une certaine finesse de sentiment, et lui épaissit extrêmement l’intelligence.

Quant à moi, je remarquai sur-le-champ cette petite teinte de tendresse dont je parle, parce que, sans le savoir encore, j’étais très disposé à aimer Mme d’Orville, et je suis sûr que cette dame le remarqua aussi :