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déjà ôté son habit, et qui était assis dans un grand fauteuil.

Mme d’Orville sortit alors du cabinet ; le chirurgien fit sa charge, visita le jeune homme, et ne lui trouva qu’une blessure au bras, qui n’était point dangereuse, mais de laquelle il perdait beaucoup de sang. On y remédia ; et comme Mme d’Orville avait pourvu à tout, le blessé changea de linge ; et pendant que le chirurgien lui aidait à se rhabiller, j’allai voir cette dame et son mari, à qui, tout malade et tout couché qu’il était, je trouvai l’air d’un honnête homme, je veux dire d’un homme qui a de la naissance : on voyait bien à ses façons, à ses discours, qu’il aurait dû être mieux logé qu’il n’était, et que l’obscurité où il vivait venait de quelque infortune. Il faut qu’il soit arrivé quelque chose à cet homme-là, disait-on en le voyant ; il n’est pas à sa place.

Et en effet, ces choses-là se sentent ; il en est de ce que je dis là-dessus comme d’un homme d’une certaine condition à qui vous donneriez un habit de paysan ; en faites-vous un paysan pour cela ? Non, vous voyez qu’il n’en porte que l’habit ; sa figure en est vêtue, et point habillée, pour ainsi dire ; il y a des attitudes, et des mouvements, et des gestes dans cette figure, qui font qu’elle est étrangère au vêtement qui la couvre.

Il en était donc à peu près de même de M. d’Orville ; quoiqu’il eût un logement et des meubles, on trouvait qu’il n’était ni logé ni meublé. Voilà tout ce