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à qui le chirurgien parlait alors, et qui, je pense, n’avait ni entendu ce qu’elle m’avait dit, ni encore pris garde à elle.

Ce chirurgien connaissait Mme d’Orville, il avait saigné son mari la veille, comme nous l’apprîmes après ; et voyant que ce jeune homme pâlissait, sans doute à cause de la quantité de sang qu’il avait perdue et qu’il perdait encore :

Madame, dit-il à Mme d’Orville, je crains que monsieur ne se trouve mal ; il n’y a pas moyen de le visiter ici ; voudriez-vous pour quelques moments nous prêter chez vous une chambre où je puisse examiner ses blessures ?

À ce discours, le jeune homme jeta les yeux sur la personne à qui on s’adressait, et me parut étonné de voir une si aimable femme, qui, malgré la simplicité de sa parure, et mise en femme qui vient de quitter son ménage, avait pourtant l’air noble et digne de respect.

Ce que vous me demandez n’est point une grâce, et ne saurait se refuser, répondit Mme d’Orville au chirurgien, pendant que l’autre ôtait son chapeau et la saluait d’une façon qui marquait beaucoup de considération. Venez, messieurs, ajouta-t-elle, puisqu’il n’y a point de temps à perdre.

Je ne suis fâché de cet accident-ci, dit alors le jeune homme, que parce que je vais vous embarrasser, madame. Et là-dessus il s’avança, et monta l’escalier en s’appuyant sur moi, à qui il avait déjà dit par intervalles mille choses obligeantes, et qu’il n’appelait