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ces trois hommes lâcher le pied, que l’un avec un grand bâton, l’autre avec un manche à balai, l’autre avec une arme de la même espèce, vint les charger et acheva de les mettre en fuite.

Nous laissâmes la canaille courir après eux avec des huées, et nous restâmes sur le champ de bataille, qui, je ne sais comment, se trouva alors près de la porte de Mme d’Orville ; de sorte que l’inconnu que je venais de défendre entra dans sa maison pour se débarrasser de la foule importune qui nous environnait.

Son habit, et la main dont il tenait son épée, étaient tout ensanglantés. Je priai qu’on fît venir un chirurgien ; il y a de ces messieurs-là dans tous les quartiers, et il nous en vint un presque sur-le-champ.

Une partie de ce peuple nous avait suivis jusque dans la cour de Mme d’Orville, ce qui causa une rumeur dans la maison qui en fit descendre les locataires de tous les étages. Mme d’Orville logeait au premier sur le derrière, et vint savoir, comme les autres, de quoi il s’agissait. Jugez de son étonnement quand elle me vit là, tenant encore mon épée nue à la main, parce qu’on est distrait en pareil cas, et que d’ailleurs je n’avais pas eu même assez d’espace pour la remettre dans le fourreau, tant nous étions pressés par la populace.

Oh ! c’est ici où je me sentis un peu glorieux, un peu superbe, et où mon cœur s’enfla du courage que je venais de montrer et de la noble posture où je me trouvais. Tout distrait que je devais être par ce qui