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reculant, à mesure que ce brave jeune homme était poussé et reculait plus ou moins.

Le danger où je le vis et l’indignité de leur action m’émut le cœur à un point que, sans hésiter et sans aucune réflexion, me sentant une épée au côté, je la tire, fais le tour de mon fiacre pour gagner le milieu de la rue, et je vole comme un lion au secours du jeune homme en lui criant : Courage, monsieur, courage !

Et il était temps que j’arrivasse ; car il y en avait un des trois qui, pendant que le jeune homme bataillait contre les autres, allait tout à son aise lui plonger de côté son épée dans le corps. Arrête, arrête, à moi ! criai-je à celui-ci en allant à lui ; ce qui l’obligea bien vite à me faire face. Le mouvement qu’il fit le remit du côté de ses camarades, et me donna la liberté de me joindre au jeune homme, qui en reprit de nouvelles forces, et qui, voyant avec quelle ardeur j’y allais, poussa à son tour ces misérables, sur qui j’allongeais à tout instant et à bras raccourci des bottes qu’ils ne paraient qu’en lâchant. Je dis à bras raccourci ; car c’est la manière de combattre d’un homme qui a du cœur et qui n’a jamais manié d’épée ; il n’y fait pas plus de façon, et n’en est peut-être pas moins dangereux ennemi pour n’en savoir pas davantage.

Quoi qu’il en soit, nos trois hommes reculèrent, malgré la supériorité du nombre qu’ils avaient encore ; mais aussi n’étaient-ce pas des braves gens, leur combat en fait foi. Ajoutez à cela que mon action anima le peuple en notre faveur. On ne vit pas plus tôt