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sommes en pays de chrétiens, je lui porte une bonne conscience, et Dieu par-dessus tout. Marchons, monsieur, je suis tout prêt.

Eh bien ! j’y consens, dit Mlle Habert ; car en effet, qu’en peut-il être ? Mais avant que vous partiez, venez, que je vous dise un petit mot dans ce cabinet, monsieur de la Vallée.

Elle y entra, je la suivis ; elle ouvrit une armoire, mit sa main dans un sac, et en tira une somme en or qu’elle me dit de prendre. Je soupçonne, ajouta-t-elle, que tu n’as pas beaucoup d’argent, mon enfant ; à tout hasard, mets toujours cela dans ta poche. Va, monsieur de la Vallée, que Dieu soit avec toi, qu’il te conduise et te ramène, ne tarde point à revenir, dès que tu le pourras, et souviens-toi que je t’attends avec impatience.

Oui cousine, oui maîtresse, oui charmante future, et tout ce qui m’est le plus cher dans le monde, oui, je retourne aussitôt ; je ne ferai de bon sang qu’à mon arrivée ; je ne vivrai point que je vous revoie, lui dis-je en me jetant sur cette main généreuse qu’elle avait vidée dans mon chapeau. Hélas ! quand on aurait un cœur de rocher, ce serait bientôt un cœur de chair avec vous et vos chères