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pour faire le récit de sa mort et celui de la douleur que j’en eus.

Vous n’aurez pas oublié que M. Bono nous avait dit ce jour-là, à la jeune dame de Versailles et à moi, de l’aller voir, et nous avions eu soin de demander son adresse à son cocher, qui nous avait ramenés de Versailles.

Je restai le lendemain toute la matinée chez moi ; je ne m’y ennuyai pas ; je m’y délectai dans le plaisir de me trouver tout à coup un maître de maison ; j’y savourai ma fortune, j’y goûtai mes aises, je me regardai dans mon appartement ; j’y marchai, je m’y assis, j’y souris à mes meubles, j’y rêvai à ma cuisinière, qu’il ne tenait qu’à moi de faire venir, et que je crois que j’appelai pour la voir ; enfin j’y contemplai ma robe de chambre et mes pantoufles ; et je vous assure que ce ne furent pas là les deux articles qui me touchèrent le moins ; de combien de petits bonheurs l’homme du monde est-il entouré et qu’il ne sent point, parce qu’il est né avec eux ?

Comment donc, des pantoufles et une robe de chambre à Jacob ! Car c’était en me regardant comme Jacob que j’étais si délicieusement étonné de me voir dans cet équipage ; c’était de Jacob que M. de la Vallée empruntait toute sa joie. Ce moment-là n’était si doux qu’à cause du petit paysan.