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mais de ma façon de vivre avec Mme de la Vallée, je n’en dirai plus mot ; on est suffisamment instruit de son caractère, et de ses tendresses pour moi. Nous voilà mariés ; je sais tout ce que je lui dois ; j’irai toujours au-devant de ce qui pourra lui faire plaisir ; je suis dans la fleur de mon âge ; elle est encore fraîche, malgré le sien ; et quand elle ne le serait pas, la reconnaissance, dans un jeune homme qui a des sentiments, peut suppléer à bien des choses : elle a de grandes ressources. D’ailleurs, Mme de la Vallée m’aime avec une passion dont la singularité lui tiendrait lieu d’agréments, si elle en manquait ; son cœur se livre à moi dans un goût dévot qui me réveille. Mme de la Vallée, toute tendre qu’elle est, n’est point jalouse ; je n’ai point de compte importun à lui rendre de mes actions, qui jusqu’ici, comme vous voyez, n’ont déjà été que trop infidèles, et qui n’en font point espérer sitôt de plus réglées. Suis-je absent, Mme de la Vallée souhaite ardemment mon retour, mais l’attend en paix ; me revoit-elle ? point de questions, la voilà charmée, pourvu que je l’aime, et je l’aimerai.

Qu’on s’imagine donc de ma part toutes les attentions possibles pour elle ; qu’on suppose entre nous le ménage le plus doux et le plus tranquille ; tel sera le nôtre ; et je ne ferai plus mention d’elle que dans les choses où par hasard elle se trouvera mêlée. Hélas ! bientôt ne sera-t-elle plus de rien dans tout ce qui me regarde ; le moment qui doit me l’enlever n’est pas loin, et je ne serai pas longtemps sans revenir à elle