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de me dire le moindre mot favorable ; au lieu qu’à présent nous voilà tout portés, il n’y a plus que votre goût qui décide ; et puisqu’on peut vous plaire, et que je vous aime, à quoi dois-je m’attendre ? Que ferez-vous de moi ? Prononcez, madame.

Que ne me dites-vous cela ailleurs ? répondit-elle. Cette circonstance-ci me décourage ; je m’imagine toujours que vous en profitez, et je voudrais que vous n’eussiez ici pour vous que mes dispositions.

Vos dispositions ! s’écria-t-il, pendant que j’étais indigné dans ma niche. Ah ! madame, suivez-les, ne les contraignez pas, vous me mettez au comble de la joie ; suivez-les, et si, malgré tout ce que je vous ai dit, vous me craignez encore, si ma parole ne vous a pas tout à fait rassurée, eh bien, qu’importe ? Oui, craignez-moi, doutez de ma discrétion ; j’y consens, je vous passe cette injure, pourvu qu’elle serve à hâter ces dispositions dont vous me parlez, et qui me ravissent. Oui, madame, il faut me ménager, vous ferez bien ; j’ai envie de vous le dire moi-même ; je sens qu’à force d’amour on peut manquer de délicatesse ; je vous aime tant que je n’ai pas la force de refuser ce petit secours contre vous : je n’en aurais pas pourtant besoin si vous me connaissiez, et je devrais tout à l’amour ; oubliez donc que nous sommes ici, songez que vous m’auriez aimé tôt ou tard, puisque vous y étiez disposée, et que je n’aurais rien négligé pour cela.

Je ne m’en défends point, dit-elle, je vous distinguais, j’ai plus d’une fois demandé de vos nouvelles.