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pourquoi n’en auriez-vous plus ? qu’ai-je fait pour être puni ? qu’avez-vous fait pour être obligée de dissimuler ? De quoi rougiriez-vous ? où est le tort que vous avez ? dépendez-vous de quelqu’un ? avez-vous un mari ? n’êtes-vous pas veuve et votre maîtresse ? y a-t-il rien à redire à votre conduite ? n’avez-vous pas pris dans cette occasion-ci les mesures les plus sages ? Et faut-il vous désespérer, vous imaginer que tout est perdu, parce que le hasard m’amène ici ; moi que vous pouvez traiter comme vous voudrez ; qui suis homme d’honneur, et raisonnable ; moi qui vous adore, et que vous ne hairiez peut-être pas, si vous ne vous alarmiez point d’une chose qui n’est rien, précisément rien, et dont il n’y a rien qu’à rire dans le fond, si vous m’estimez un peu ?

Ah ! dit ici Mme de Ferval avec un soupir qui faisait espérer un accommodement, que vous m’embarrassez, monsieur le chevalier ! Je ne sais que vous répondre ; car il n’y a pas moyen de vous ôter vos idées, et vous êtes un étrange homme de vous mettre dans l’esprit que j’aie jeté les yeux sur ce garçon. (Notez qu’ici mon cœur se retire, et ne se mêle plus d’elle.)

Eh bien, soit, il n’en est rien, reprit-il ; d’où vient que je vous en parle ? ce n’est que pour faciliter nos entretiens, pour abréger les longueurs. Tout ce que cet événement-ci peut avoir d’heureux pour moi, c’est que, si vous le voulez, il nous met tout d’un coup en état de nous parler avec franchise. Sans cette aventure, il aurait fallu que je soupirasse longtemps avant que de vous mettre en droit de m’écouter, ou