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Ensuite elle poussa une porte qui n’était couverte que d’une mauvaise tapisserie, et par où l’on entrait dans ce petit retranchement où je me mis.

J’étais là en effet à peu près comme si j’avais été dans la chambre ; il n’y avait rien de si mince que les planches qui m’en séparaient, de sorte qu’on n’y pouvait respirer sans que je l’entendisse. Je fus pourtant bien deux minutes sans pouvoir démêler ce que l’homme en question disait à Mme de Ferval, car c’était lui qui parlait ; mais j’étais si agité dans ce premier moment, j’avais un si grand battement de cœur que je ne pus d’abord donner d’attention à rien. Je me méfiais un peu de Mme de Ferval, et ce qui est de plaisant, c’est que je m’en méfiais à cause que je lui avais plu ; c’était cet amour dont elle s’était éprise en ma faveur qui, bien loin de me rassurer, m’apprenait à douter d’elle.

Je prête donc attentivement l’oreille, et on va voir une conversation qui n’est convenable qu’avec une femme qu’on n’estime point, mais qu’à force de galanteries on apprivoise aux impertinences qu’on lui débite et qu’elle mérite ; il me sembla d’abord que Mme de Ferval soupirait.

De grâce, madame, assoyez-vous un instant, lui dit-il ; je ne vous laisserai point dans l’état où vous êtes ; dites-moi de quoi vous pleurez ; de quoi s’agit-il ? Que craignez-vous de ma part, et pourquoi me haïssez-vous, madame ? Je ne vous hais point, monsieur, dit-elle en sanglotant un peu ; et si je pleure, ce n’est pas que j’aie rien à me reprocher ; mais voici