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pour qui on ne s’appelle que Jacob, et cela en présence d’une femme que cet excès de familiarité n’humiliait pas moins que moi ? Avoir un amant, c’était déjà une honte pour elle, et en avoir un de ce nom-là, c’en était deux ; il ne pouvait pas être question entre elle et Jacob d’une affaire de cœur bien délicate.

De sorte qu’avec l’embarras personnel où je me trouvais, je rougissais encore de voir que j’étais son opprobre, et ainsi je devais être fort mal à mon aise ; je cherchais donc un prétexte raisonnable de retraite, quand Mme de Ferval vint à dire qu’elle n’était là que pour me rendre un service.

Et sur-le-champ, sans donner le temps au cavalier de répondre : Ce sera pour une autre fois, madame, repris-je, conservez-moi toujours votre bonne volonté, j’attendrai que vous me fassiez savoir vos intentions ; et puisque vous connaissez monsieur, et que monsieur vous connaît, je vais prendre congé de vous, aussi bien je n’entends rien à cet amour dont il me parle.

Mme de Ferval ne répondit mot, et resta les yeux baissés, avec un visage humble et mortifié, sur lequel on voyait couler une larme ou deux. Ce cavalier, notre trouble-fête, venait de lui reprendre la main qu’elle lui laissait, parce qu’elle n’osait la lui ôter sans doute. Le fripon était comme l’arbitre de son sort, il pouvait lui faire justice ou grâce ; en