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elle était aimable, je suis né avec le plus tendre penchant pour elle ; et je suis bien sûr, mon cher Jacob, que mon amour date avant le tien.

Mme Remy n’était pas présente à ce discours, elle était passée dans la salle et nous avait laissé le soin de nous tirer d’intrigue.

Pour moi, je n’avais plus de contenance, et en vrai benêt je saluais cet homme à chaque mot qu’il m’adressait ; tantôt je tirais un pied, tantôt j’inclinais la tête, et ne savais plus ce que je faisais, j’étais démonté. Cette assommante époque de notre connaissance, son tutoiement, ce passage subit de l’état d’un homme en bonne fortune où il m’avait pris, à l’état de Jacob où il me remettait, tout cela m’avait renversé.

À l’égard de Mme de Ferval, il serait difficile de vous dire la mine qu’elle faisait.

Souvenez-vous que la Remy avait parlé de moi comme d’un neveu de cette dame ; songez qu’elle était dévote, que j’étais jeune ; que sa parure était ce jour-là plus mondaine qu’à l’ordinaire, son corset plus galant, moins serré, et par conséquent sa gorge plus à l’aise ; songez qu’on nous trouvait enfermés chez une Mme Remy, femme commode, sujette à prêter sa maison, comme nous l’apprenions ; n’oubliez pas que ce chevalier qui nous surprenait, connaissait Mme de Ferval, était ami de ses amis ; et sur tous ces articles que je viens de dire, voyez la curieuse révélation qu’on avait des mœurs de Mme