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encore plus de Mme de Ferval, avec une action tout à fait galante, et qui avait même quelque chose de tendre.

Mme de Ferval rougit et voulut retirer sa main qu’il avait prise et qu’il baisait avec vivacité.

Là-dessus je m’avançai, et ne crus pas devoir demeurer muet. Madame ne me paraît pas fâchée, dis-je à ce cavalier, le plus avisé s’abuse, vous l’avez prise pour une autre, il n’y a pas grand mal ; elle vous excuse, il ne reste plus qu’à s’en aller, c’est le plus court, à présent que vous voyez ce qui en est, monsieur.

Là-dessus il se retourna, et me regarda avec quelque attention. Il me semble que vous ne m’êtes pas inconnu, me dit-il ; ne vous ai-je pas vu chez madame une telle ?

Il ne parlait, s’il vous plaît, que de la femme du défunt le seigneur de notre village. Cela se pourrait, lui dis-je en rougissant malgré que j’en eusse. Et en effet, je commençais à le remettre lui-même. Eh ! c’est Jacob, s’écria-t-il alors, je le reconnais, c’est lui-même. Eh ! parbleu, mon enfant, je suis charmé de vous voir ici en si bonne posture ; il faut que ta fortune ait bien changé de face, pour t’avoir mis à portée d’être en liaison avec madame ; tout homme de condition que je suis, je voudrais bien avoir cet honneur-là comme vous ; il y a quatre mois que je souhaite d’être un peu de ses amis ; elle a pu s’en apercevoir quoique je ne l’aie encore rencontrée que trois ou quatre fois ; mes regards lui ont dit combien