Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1827, tome 8.djvu/170

Cette page n’a pas encore été corrigée

plus amoureux que je ne l’étais hier, à cause qu’il me semble que vous êtes encore plus belle.

Fort bien, fort bien ! me dit-elle avec un souris ; voilà de très bonnes dispositions, et qui me rassurent beaucoup : être seule avec un étourdi comme vous, sans pouvoir sortir ; car où est-elle allée, cette sotte femme qui nous laisse ? Je gagerais qu’il n’y a peut-être que nous ici actuellement ; ah ! elle n’a qu’à revenir, je ne la querellerai pas mal ; voyez, je vous prie, à quoi elle m’expose.

Par la mardi ! lui dis-je, vous en parlez bien à votre aise ; vous ne savez pas ce que c’est que d’être amoureux de vous. Ne tient-il qu’à dire aux gens : tenez-vous en repos ; je voudrais bien vous voir à ma place, pour savoir ce que vous feriez. Va, va, tais-toi ! dit-elle d’un air badin ; j’ai assez de la mienne. Mais encore ? insistais-je sur le même ton. Eh bien ! à ta place, reprit-elle, je tâcherais apparemment d’être raisonnable. Et s’il ne vous servait de rien d’y tâcher, répondis-je, qu’en serait-il ? Oh ! ce qu’il en serait, dit-elle, je n’en sais rien, tu m’en demandes trop, je n’y suis pas ; mais qu’importe que tu m’aimes, ne saurais-tu faire comme moi ? Je suis raisonnable, quoique je t’aime aussi ; et je ne devrais pas te le dire, car tu n’en feras que plus de folies, et ce sera ma faute, petit mutin que tu es ! Voyez comme il me regarde, où a-t-il pris cette mine-là, ce fripon ? On n’y saurait tenir. Parlons de Versailles.

Oh ! que non, répondis-je, parlons de ce que vous dites que vous m’aimez, cette parole est si agréable,