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dessus la Remy nous salue, nous laisse, ferme la porte sur nous, ôte la clef, que nous lui entendîmes retirer quoiqu’elle y allât doucement.

Il faut donc que cette femme soit folle : je crois qu’elle nous enferme ! me dit alors Mme de Ferval en souriant d’un air qui entamait la matière, qui engageait amoureusement la conversation, et qui me disait : Nous voilà donc seuls ?

Qu’importe ? lui dis-je, (et nous étions sur le pas de la porte du jardin). Nous n’avons que faire de la Remy pour causer ensemble, ce serait encore pis que la femme de chambre de là-bas ; n’avons-nous pas fait marché que nous serons libres ?

Et pendant que je lui tenais ce discours, je lui prenais la main dont je considérais la grâce et la blancheur, que je baisais quelquefois. Est-ce là comme tu me contes ton histoire ? me dit-elle. Je vous la conterai toujours bien, lui dis-je ; ce conte-là n’est pas si pressé que moi. Que toi ! me dit-elle en me jetant son autre main sur l’épaule ; et de quoi donc es-tu tant pressé ? De vous dire que vous avez des charmes qui m’ont fait rêver toute la journée à eux, repris-je. Je n’ai pas mal rêvé à toi non plus, me dit-elle, et tant rêvé que j’ai pensé ne pas venir ici.

Eh ! pourquoi donc, maîtresse de mon cœur ? lui repartis-je. Oh ! pourquoi ? me dit-elle, c’est que tu es si jeune, si remuant ! il me souvient de tes vivacités d’hier, tout gêné que tu étais ; et à présent que tu ne l’es plus, te corrigeras-tu ? j’ai bien de la peine à le croire. Et moi aussi, lui dis-je, car je suis encore