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mieux, dit-il ; il pourra donc m’en faire venir, car on y est souvent trompé. Et qui êtes-vous ?

Le fils d’un honnête homme qui demeure à la campagne, répondis-je. C’était dire vrai, et pourtant esquiver le mot de paysan qui me paraissait dur ; les synonymes ne sont pas défendus, et tant que j’en ai trouvé là-dessus, je les ai pris : mais ma vanité n’a jamais passé ces bornes-là ; et j’aurais dit tout net : Je suis le fils d’un paysan, si le mot de fils d’un homme de la campagne ne m’était pas venu.

Trois heures sonnèrent alors ; M. Bono tira sa montre, et puis se levant : Ah çà ! dit-il, je vous quitte, nous nous reverrons à Paris, je vous y attends et je vous tiendrai parole : bonjour, je suis votre serviteur. À propos, vous en retournez-vous tout à l’heure ? J’envoie dans un moment mon équipage à Paris ; mettez-vous dedans, les voitures sont chères, et ce sera autant d’épargné.

Là-dessus il appela un laquais. Picard se prépare-t-il à s’en aller ? lui dit-il. Oui, monsieur, il met les chevaux au carrosse, répondit le domestique. Eh bien, dis-lui qu’il prenne ces dames et ce jeune homme, reprit-il ; adieu.

Nous voulûmes le remercier ; mais il était déjà bien loin. Nous descendîmes, l’équipage fut bientôt prêt, et nous partîmes très contents de notre homme et de sa brusque humeur.

Je ne vous dirai rien de notre entretien sur la route ; arrivons à Paris, nous y entrâmes d’assez bonne heure pour mon rendez-vous, car vous savez