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douleur en aurait eu moins de dignité, en aurait paru moins sérieuse et moins vraie.

Mais la personne qui l’accompagnait, et qui se tenait un peu au-dessous d’elle, avait les yeux mouillés de larmes.

Je ne doutai pas un instant que M. de Fécour ne se rendît ; je trouvais impossible qu’il résistât : hélas, que j’étais neuf ! Il n’en fut pas seulement ému.

M. de Fécour était dans l’abondance ; il y avait trente ans qu’il faisait bonne chère ; on lui parlait d’embarras, de besoin, d’indigence même, au mot près, et il ne savait pas ce que c’était que tout cela.

Il fallait pourtant qu’il eût le cœur naturellement dur, car je crois que la prospérité n’achève d’endurcir que ces cœurs-là.

Il n’y a plus moyen, madame, lui dit-il, je ne puis plus m’en dédire, j’ai disposé de l’emploi ; voilà un jeune homme à qui je l’ai donné, il vous le dira.

À cette apostrophe qui me fit rougir, elle jeta un regard sur moi, mais un regard qui m’adressait un si doux reproche : Eh quoi ! vous aussi, semblait-il me dire, vous contribuez au mal qu’on me fait ?

Eh ! non, madame, lui répondis-je dans le même langage, si elle m’entendit. Et puis : C’est donc l’emploi du mari de madame que vous voulez que j’aie,