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prendre congé de moi toute en pleurs, me conta son aventure et son soufflet.

Et comme je vis que, dans tout cela, il n’y avait qu’une malice vindicative de la part de ma femme : Va, va, lui dis-je, laisse-la faire, tu n’as qu’à rester, Nanette, je me charge du reste.

Ma femme éclata, ne voulut plus la voir : mais je tins bon, il faut être le maître chez soi, surtout quand on a raison de l’être.

Ma résistance n’adoucit pas l’aigreur de notre commerce ; nous nous parlions quelquefois, mais pour nous quereller.

Vous observerez, s’il vous plaît, que j’avais pris un autre commis, qui était l’aversion de ma femme, elle ne pouvait pas le souffrir ; aussi le harcelait-elle à propos de rien, et le tout pour me chagriner ; mais il ne s’en souciait guère, je lui avais dit de n’y pas prendre garde, et il suivait exactement mes intentions, il ne l’écoutait pas.

J’appris quelques jours après que ma femme avait envie de me pousser à bout.

Dieu me fera peut-être la grâce que ce brutal-là me frappera, disait-elle en parlant de moi ; je le sus : Oh ! que non, lui dis-je ; ne vous y attendez pas ; soyez