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les offices et les saluts ; voilà qui est à merveille, on dira ce qu’on voudra.

Tout ce que je sais, c’est que ce commis dont j’avais besoin à cause de ma charge, qui était le fils d’une femme de chambre de défunt sa mère, un grand benêt sans esprit, que je gardais par complaisance, assez beau garçon au surplus et qui avait la mine d’un prédestiné, à ce qu’elle disait.

Ce garçon, dis-je, faisait ordinairement ses commissions, allait savoir de sa part comment se portait le père un tel, la mère une telle, monsieur celui-ci, monsieur celui-là, l’un curé, l’autre vicaire, l’autre chapelain, ou simple ecclésiastique ; et puis venait lui rendre réponse, entrait dans son cabinet, y causait avec elle, lui plaçait un tableau, un agnus, un reliquaire ; lui portait des livres, quelquefois les lui lisait.

Cela m’inquiétait, je jurais de temps en temps. Qu’est-ce que c’est donc que cette piété hétéroclite ? disais-je ; qu’est-ce que c’est qu’une sainte qui m’enlève mon commis ? Aussi l’union entre elle et moi n’était-elle pas édifiante ?

Madame m’appelait sa croix, sa tribulation ; moi, je l’appelais du premier nom qui me venait, je ne choisissais pas. Le commis me fâchait, je ne m’y accoutumais point. L’envoyais-je un peu loin ? je le fatiguais. En vérité, disait-elle avec une charité qui, je crois, ne fera point le profit de son âme, en vérité, il tuera ce pauvre garçon.

Cet animal tomba malade, et la fièvre me prit à moi le lendemain.