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nous en avait procuré une, et j’avais oublié de vous le dire).

Allons, ma mie, ajouta-t-elle en caressant Mlle Habert, mettons-nous à table, essuyez vos yeux et ne pleurez plus ; approchez son fauteuil, monsieur de la Vallée, et tenez-vous gaillard ; soupons : mettez-vous là, petite fille.

C’était à Agathe à qui elle parlait, laquelle Agathe n’avait dit mot depuis que sa mère était rentrée.

Notre situation ne l’avait pas attendrie, et plaindre son prochain n’était pas sa faiblesse ; elle n’avait gardé le silence que pour nous observer en curieuse, et pour s’amuser de la mine que nous faisions en pleurant. Je vis à la sienne que tout ce petit désordre la divertissait, et qu’elle jouissait de notre peine, en affectant pourtant un air de tristesse.

Il y a dans le monde bien des gens de ce caractère-là, qui aiment mieux leurs amis dans la douleur que dans la joie ; ce n’est que par compliment qu’ils vous félicitent d’un bien, c’est avec goût qu’ils vous consolent d’un mal.

À la fin pourtant, Agathe, en se mettant à table, fit une petite exclamation en notre faveur, et une exclamation digne de la part hypocrite qu’elle prenait à notre chagrin ; on se peint en tout, et la