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et sortîmes ensemble, et pendant que j’allais à Versailles, elle alla entendre la messe pour le succès de mon voyage.

Je me rendis donc à l’endroit où l’on prend les voitures ; j’en trouvai une à quatre, dont il y avait déjà trois places de remplies, et je pris la quatrième.

J’avais pour compagnons de voyage un vieux officier, homme de très bon sens, et qui, avec une physionomie respectable, était fort simple et fort uni dans ses façons.

Un grand homme sec et décharné, qui avait l’air inquiet et les yeux petits, noirs et ardents : nous sûmes bientôt que c’était un plaideur ; et ce métier, vu la mine du personnage, lui convenait on ne peut pas mieux.

Après ces messieurs, venait un jeune homme d’une assez belle figure ; l’officier et lui se regardaient comme gens qui se sont vus ailleurs, mais qui ne se remettent pas. À la fin, ils se reconnurent, et se ressouvinrent qu’ils avaient mangé ensemble.

Comme je n’étais pas là avec des madames d’Alain, ni avec des femmes qui m’aimassent, je m’observai beaucoup sur mon langage, et tâchai de ne rien dire qui sentît le fils du fermier de campagne ; de sorte que je parlai sobrement, et me contentai de prêter beaucoup d’attention à ce que l’on disait.

On ne s’aperçoit presque pas qu’un homme ne dit mot, quand il écoute attentivement, du moins s’imagine-t-on toujours qu’il va parler : et bien écouter c’est presque répondre.