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de corruption, et par conséquent de sentiment ; car l’âme se raffine à mesure qu’elle se gâte. Aussi étais-je dans un tourbillon de vanité si flatteuse, je me trouvais quelque chose de si rare, je n’avais point encore goûté si délicatement le plaisir de vivre, et depuis ce jour-là je devins méconnaissable, tant j’acquis d’éducation et d’expérience.

Je retournai donc chez moi, perdu de vanité, comme je l’ai dit, mais d’une vanité qui me rendait gai, et non pas superbe et ridicule ; mon amour-propre a toujours été sociable ; je n’ai jamais été plus doux ni plus traitable que lorsque j’ai eu lieu de m’estimer et d’être vain ; chacun a là-dessus son caractère, et c’était là le mien. Mme de la Vallée ne m’avait encore vu ni si caressant, ni si aimable que je le fus avec elle à mon retour.

Il était tard, on m’attendait pour se mettre à table, car on se ressouviendra que nous avions retenu à souper notre hôtesse, sa fille, et les personnes qui nous avaient servi de témoins le jour de notre mariage.

Je ne saurais vous dire combien je fis d’amitiés à mes convives, ni avec quelle grâce je les excitai à se réjouir. Nos deux témoins étaient un peu épais, et ils me trouvèrent si léger en comparaison d’eux, je dirais presque si galant dans mes façons, que je leur en