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nous reverrons, et je vous attends, n’y manquez pas.

Et l’heure de votre commodité, madame, voulez-vous me la dire ? À l’heure qu’il te plaira, me dit-elle ; le matin, le soir, toute heure est bonne, si ce n’est qu’il est plus sûr de me trouver le matin ; adieu, mon gros brunet (ce qu’elle me dit en me passant la main sous le menton), de la confiance avec moi à l’avenir, je te la recommande.

Elle achevait à peine de parler qu’on lui vint dire que trois personnes étaient dans sa chambre, et je me retirai pendant qu’elle y passait.

Mes affaires, comme vous voyez, allaient un assez bon train. Voilà des aventures bien rapides, j’en étais étourdi moi-même.

Figurez-vous ce que c’est qu’un jeune rustre comme moi, qui, dans le seul espace de deux jours, est devenu le mari d’une fille riche, et l’amant de deux femmes de condition. Après cela mon changement de décoration dans mes habits, car tout y fait ; ce titre de monsieur dont je m’étais vu honoré, moi qu’on appelait Jacob dix ou douze jours auparavant, les amoureuses agaceries de ces deux dames, et surtout cet art charmant, quoique impur, que Mme de Ferval avait employé pour me séduire ; cette jambe si bien chaussée, si galante, que j’avais tant regardée ; ces belles mains si blanches qu’on m’avait si tendrement abandonnées ; ces regards si pleins de douceurs ; enfin l’air qu’on respire au milieu de tout cela : voyez que de choses capables de débrouiller mon esprit et mon cœur, voyez quelle école de mollesse, de volupté,