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Eh bien ! me dit-elle en riant, à quoi pensez-vous donc ? C’est à vous, madame, lui répondis-je d’un ton assez bas, toujours la vue attachée sur ce que j’ai dit. À moi, reprit-elle, dites-vous vrai, monsieur de la Vallée ? vous apercevez-vous que je vous veux du bien ? il n’est pas difficile de le voir, et si vous en doutez, ce n’est pas ma faute ; vous voyez que je suis franche, et j’aime qu’on le soit avec moi ; entendez-vous, belle jeunesse ? Quels yeux il a, et avec cela il a peur de parler ! Ah çà ! monsieur de la Vallée, j’ai un conseil à vous donner ; vous venez de province, vous en avez apporté un air de timidité qui ne sied pas à votre âge ; quand on est fait comme vous, il faut se rassurer un peu, surtout en ce pays-ci ; que vous manque-t-il pour avoir de la confiance ? qui est-ce qui en aura, si vous n’en avez pas, mon enfant ? vous êtes si aimable ! Et elle me disait cela d’un ton si vrai, si caressant, que je commençais à prendre du goût pour ses douceurs, quand nous entendîmes un carrosse entrer dans la cour.

Voilà quelqu’un qui me vient, dit-elle, serrez votre lettre, mon beau garçon, reviendrez-vous me voir bientôt ? Dès que j’aurai rendu la lettre, madame, lui dis-je.

Adieu donc, me répondit-elle en me tendant la main que je baisai tout à mon aise : ah çà, une autre fois, soyez donc bien persuadé qu’on vous aime ; je suis fâchée de n’avoir point fait dire que je n’y étais pas ; je ne serais peut-être pas sortie, et nous aurions passé le reste de la journée ensemble, mais nous