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bien il faudrait se laisser, et je n’en ai pas le courage depuis vos belles mains que j’ai tant tenues dans les miennes, et les petites douceurs que vous m’avez dites.

Je t’en dirais encore si je ne me retenais pas, me répondit-elle, car tu me charmes, la Vallée, et tu es le plus dangereux petit homme que je connaisse. Mais revenons.

Je te disais qu’il fallait être discret, et je vois que tu en sens les conséquences. La façon dont je vis, l’opinion qu’on a de ma conduite ; ta reconnaissance pour les services que je t’ai rendus, pour ceux que j’ai dessein de te rendre, tout l’exige, mon cher enfant. S’il t’échappait jamais le moindre mot, tu me perdrais, souviens-toi bien de cela, et ne l’oublie point, je t’en prie ; voyons à présent comment tu feras pour me voir quelquefois. Si tu continuais de venir ici, on pourrait en causer ; car sous quel prétexte y viendrais-tu ? Je tiens quelque rang dans le monde, et tu n’es pas en situation de me rendre de fréquentes visites. On ne manquerait pas de soupçonner que j’ai du goût pour toi ; ta jeunesse et ta bonne façon le persuaderaient aisément, et c’est ce qu’il faut éviter. Voici donc ce que j’imagine.

Il y a dans un tel faubourg (je ne sais plus lequel c’était) une vieille femme dont le mari, qui est mort depuis six ou sept mois, m’avait obligation ; elle loge en tel endroit, et s’appelle Mme Remy ; tiens, écris tout à l’heure son nom et sa demeure, voici sur cette table ce qu’il faut pour cela.

J’écrivis donc ce nom, et quand j’eus fait, Mme