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Tant mieux aussi, lui dis-je ; car il n’y a rien qui fasse tant de plaisir, que d’avoir obligation aux personnes qui vous ont gagné l’âme.

Eh bien ! me dit-elle, apprends, Jacob, que je ne me sépare d’avec ma sœur qu’à cause de toi. Je te le répète encore ; tu m’as secouru tantôt avec tant d’empressement, que j’en ai été sérieusement touchée. Quel bonheur pour moi ! repris-je avec un geste qui me fit un peu serrer le bras que je lui tenais. Dieu soit loué d’avoir adressé mon chemin sur le Pont-Neuf ! Pour ce qui est du secours que je vous ai donné, il n’y a pas tant à se récrier, mademoiselle ; car qui est-ce qui pourrait voir une personne comme vous se trouver mal, sans en être en peine ? J’en ai été tout en frayeur. Tenez, ma maîtresse, je vous demande pardon de mes paroles ; mais il y a des gens qui ont une mine qui rend tous les passants leurs bons amis, et de ces mines-là, votre mère, de sa grâce, vous en a donné une.

Tu t’expliques plaisamment, me dit-elle ; mais si naïvement que tu plais. Dis-moi, Jacob, que font tes parents à la campagne ? Hélas ! mademoiselle, lui dis-je, ils ne sont pas riches ; mais pour honorables, oh ! c’est la crème de notre paroisse ; il n’y a pas à dire non.