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l’interrompant ; il m’aimait, et vous me l’avez ôté ; je n’avais peut-être que vous seule à craindre dans le monde.

Laissez-moi achever, me répondit-elle, je n’ai pas tout dit, je vous ai avoué qu’il m’a plu ; mais ne vous imaginez pas qu’il le sache, il n’en a pas le moindre soupçon ; il n’y a que vous qui pouvez l’en instruire, il ne mérite pas de le savoir ; et toute indisposée que vous êtes sans doute aujourd’hui contre moi, je vous prie, mademoiselle, gardez-moi le secret là-dessus, si ce n’est par amitié, du moins par générosité. Une fille d’un aussi bon caractère que vous n’a que faire d’aimer les gens pour en user bien avec eux, surtout quand elle n’a pas un juste sujet d’en être mécontente. Adieu, Marianne, ajouta-t-elle en se levant ; je vous laisse la lettre de Valville, faites-en l’usage qu’il vous plaira ; montrez-la à Mme de Miran, montrez-la à son fils, j’y consens. Ce qu’il a osé m’y écrire ne me compromet en rien ; et si par hasard mon témoignage vous est nécessaire, si vous souhaitez que je paraisse pour le confondre, je suis si indignée contre lui, je me soucie si peu de le ménager, je le dédaigne tant, lui et son ridicule amour, que je m’associe de bon cœur à votre vengeance. Au surplus, mon parti est pris ; je ne le verrai plus, à