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tant pleuré, lui disait-elle, et vous l’outragez aujourd’hui dans le seul gage qui vous reste de son amour ! Il ne vous a laissé qu’une fille, et vous refusez d’être sa mère. C’est à présent par ma tendresse que vous vous délivrez d’elle ; quand je n’y serai plus, vous voudrez vous en délivrer par la pitié des autres.

Ma mère, qui était parvenue à ses fins, souffrit patiemment l’injure qu’on faisait à son cœur, se contenta de nier qu’elle eût eu le moindre dessein de me tenir loin d’elle, envoya du linge pour moi avec des étoffes pour m’habiller, et assura Mme de Tresle qu’elle me ferait venir à Paris dès qu’elle serait accouchée.

Mais elle ne s’y engageait apparemment que pour gagner du temps ; du moins après ses couches ne fut-il plus mention de sa promesse, qu’elle éluda dans ses lettres, par se plaindre d’une santé toujours infirme qui lui était restée, qui la retenait le plus souvent au lit, et qui la rendait incapable de la plus légère attention à tous égards.

Je n’ai pas la force de penser, disait-elle : et vous jugez bien que, dans cet état-là, avec une tête aussi faible queue disait l’avoir, il n’y avait pas moyen de lui proposer la fatigue de me voir auprès d’elle ; mais heureusement le cœur de Mme de Tresle s’échauffait pour moi, à mesure que celui de ma mère m’abandonnait.

Elle acheva si bien de m’oublier, qu’elle n’écrivit plus que rarement, qu’elle cessa même de parler de moi dans ses lettres, qu’à la fin elle ne donna plus de ses