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et modeste, et tel qu’il aurait pu convenir à une fille de condition qui n’aurait pas eu de bien. Après cela, M. de Climal parla de linge, et effectivement j’en avais besoin. Encore autre achat que nous allâmes faire ; madame Dutour aurait pu lui fournir ce linge, mais il avait ses raisons pour n’en point prendre chez elle : c’est qu’il le voulait trop beau. Madame Dutour aurait trouvé la charité outrée ; et quoique ce fût une bonne femme qui ne s’en serait pas souciée, et qui aurait cru que ce n’était pas là son affaire, il était mieux de ne pas profiter de la commodité de son caractère, et d’aller ailleurs.

Oh ! pour le coup, ce fut ce beau linge qu’il voulut que je prisse, qui me mit au fait de ses sentimens ; je m’étonnai même que l’habit, qui était très propre, m’eût encore laissé quelque doute, car la charité n’est pas galante dans ses présens ; l’amitié même, si secourable, donne du bon et ne songe point au magnifique. Les vertus des hommes ne remplissent que bien précisément leur devoir ; elles seraient plus volontiers mesquines que prodigues dans ce qu’elles font de bien : il n’y a que les vices qui n’ont point de ménage. Je lui dis tout bas que je ne voulais point de linge si distingué, je lui parlai sur ce ton-là sérieusement ; il se moqua de moi, et me dit : Vous êtes une enfant, taisez-vous, allez vous regarder dans le miroir, et voyez si ce linge est trop beau pour votre visage. Et puis, sans vouloir m’écouter, il alla son train.

Je vous avoue que je me trouvais bien embarrassée,