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Miran. J’étais avec vous alors ; je descendis ; et c’était lui qui m’attendait.

Je rougis en le voyant ; il me parut embarrassé, et son embarras me rendit honteuse. Il me demanda en souriant si je le reconnaissais, si je n’avais pas oublié que je l’avais vu. Il me dit que mon évanouissement l’avait fait trembler, que de sa vie il n’avait été si attendri que de l’état où il m’avait vue ; qu’il l’avait toujours présent ; que son cœur en avait été frappé ; et tout de suite me conjura de lui pardonner la naïveté avec laquelle il s’expliquait là-dessus.

Pendant qu’elle me parlait ainsi, elle ne s’apercevait point que son récit me tuait ; elle n’entendait ni mes soupirs, ni mes sanglots ; elle pleurait trop elle-même pour y faire attention ; et tout cruel qu’était ce récit, mon cœur s’y. attachait pourtant, et ne pouvait renoncer au déchirement qu’il me causait.

Et moi, continua-t-elle, je fus si émue de tous ses discours, que je n’eus pas la force de les arrêter ; il ne me dit pourtant point qu’il m’aimait, mais je sentais bien que ce n’était que cela qu’il me voulait dire ; et il me le disait d’une façon dont il n’aurait pas été raisonnable de me fâcher.