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Voilà ma raison, monseigneur ; si je vous avais promis de ne plus le voir, il aurait eu lieu de s’imaginer que je ne me mettais guère en peine de lui, puisque je n’aurais pas voulu endurer d’être persécutée pour l’amour de lui ; et mon intention était qu’il sût le contraire, qu’il ne doutât point que son cœur a véritablement acquis le mien, et je serais bien honteuse si cela n’était pas. Peut-être est-ce ici la dernière fois que je le verrai, et j’en profite pour m’acquitter de ce que je lui dois, et en même temps pour dire à Mme de Miran, aussi bien qu’à lui, que ce que la crainte et la menace n’ont pas dû me forcer de faire, je le fais aujourd’hui par pure reconnaissance pour elle et pour son fils. Non, madame, non, ma généreuse mère ; non, M. de Valville, vous m’êtes trop chers tous les deux ; je ne serai jamais la cause des reproches que vous souffririez si je restais, ni de la honte qu’on dit que je vous attirerais. Le monde me dédaigne, il me rejette ; nous ne changerons pas le monde, et il faut s’accorder à ce qu’il veut. Vous dites qu’il est injuste ; ce n’est pas à moi à en dire autant, j’y gagnerais trop ; je dis seulement que vous êtes bien généreuse, et que je n’abuserai jamais du mépris que vous faites pour moi des coutumes du