Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/460

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laissait bien franchement couler ses pleurs, sans s’embarrasser qu’on les vît.

Tu n’as pas tout dit, achève, Marianne ; et ne parle plus de moi, puisque cela t’attendrit trop, me dit-elle en me tendant sans façon sa main, que je baisai de même ; achève…

Oui, madame, lui répondis-je. Vous m’avez dit, monseigneur, que vous m’éloigneriez de Paris, et que vous m’enverriez loin d’ici si je refusais d’épouser ce jeune homme, repris-je donc en m’adressant au ministre, et vous êtes toujours le maître ; mais j’ai à vous répondre une chose qui doit empêcher messieurs les parents d’être encore inquiets sur le mariage qu’ils appréhendent entre M. de Valville et moi ; c’est que jamais il ne se fera ; je le garantis, j’en donne ma parole et on peut s’en fier à moi ; et si je ne vous en ai pas assuré avant que Mme de Miran arrivât, vous aurez la bonté de m’excuser, monseigneur ; ce qui m’a empêché de le faire, c’est que je n’ai pas cru qu’il fût à propos, ni honnête à moi de renoncer à M. de Valville, pendant qu’on me menaçait pour m’y contraindre ; j’ai pensé que je serais une lâche et une ingrate de montrer si peu de courage en cette occasion-ci, après que M. de Valville lui-même a bien eu celui de m’aimer ; et de m’aimer si tendrement de tout son cœur, et comme une personne qu’on respecte, malgré la situation où il m’a vue, qui était si rebutante, et à laquelle il n’a pas seulement pris garde, sinon que pour m’en aimer et m’en considérer davantage.