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avait besoin pour sauver la sienne : et je rends grâce à Dieu de ce que j’ai occasion de dire cela publiquement ; ce m’est une joie infinie, la plus grande que j’aurai jamais, que de pouvoir faire éclater les transports de tendresse, et tous les dévouements, et toute l’admiration que je sens pour elle. Oui, madame, je ne suis qu’une étrangère, qu’une malheureuse orpheline, que Dieu, qui est le maître, a abandonnée à toutes les misères imaginables : mais quand on viendrait m’apprendre que je suis la fille d’une reine, quand j’aurais un royaume pour héritage, je ne voudrais rien de tout cela, si je ne pouvais l’avoir qu’en me séparant de vous ; je ne vivrais point si je vous perdais ; je n’aime que vous d’affection ; je ne tiens sur la terre qu’à vous qui m’avez recueillie si charitablement, et qui avez la générosité de m’aimer tant, quoiqu’on tâche de vous en faire rougir, et quoique tout le monde me méprise.

Ici, à travers les larmes que je versais, j’aperçus plusieurs personnes de la compagnie qui détournaient la tête pour s’essuyer les yeux.

Le ministre baissait les siens, et voulait cacher qu’il était ému. Valville restait comme immobile, en me regardant d’un air passionné, et dans un parfait oubli de tout ce qui nous environnait ; et ma mère