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Le ministre, à ce discours, fit un geste d’impatience qui la fit taire ; et moi, reprenant la parole : Vous vous trompez, madame, lui dis-je, à l’égard de la crainte qu’on a que M. de Valville ne m’aime trop, qu’il ne veuille m’épouser, et que Mme de Miran n’ait la complaisance de le vouloir bien aussi ; on peut entièrement se rassurer là-dessus. Il est vrai que Mme de Miran a eu la bonté de me tenir lieu de mère (je sanglotais en disant cela), et que je suis obligée, sous peine d’être la plus ingrate créature du monde, de la chérir et de la respecter autant que la mère qui m’a donné la vie ; je lui dois la même soumission, la même vénération, et je pense quelquefois que je lui en dois bien davantage. Car enfin je ne suis point sa fille, et cependant il est vrai, comme vous le dites, qu’elle m’a traitée comme si je l’avais été. Je ne lui suis rien, elle n’aurait eu aucun tort de me laisser dans l’état où j’étais, ou bien elle pouvait se contenter en passant d’avoir pour moi une compassion ordinaire, et de me dire : je vous aimerai. Mais point du tout, c’est quelque chose d’incompréhensible que ses bontés pour moi, que ses soins, que ses considérations. Je ne saurais y songer, je ne saurais la regarder elle-même sans pleurer d’amour et de reconnaissance, sans lui dire dans mon cœur que ma vie est à elle, sans souhaiter d’avoir mille vies pour les lui donner toutes ; si elle en