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aussitôt dans une chambre, dont elle ressortit un moment après.

Mais, pendant ce court espace de temps qu’elle m’avait laissée seule, le jeune homme en question avait discontinué son entretien, et ne s’était attaché qu’à me regarder avec une extrême attention. Et malgré tout mon accablement, j’y pris garde.

Ce sont là de ces choses qui ne nous échappent point, à nous autres femmes. Dans quelque affliction que nous soyons plongées, notre vanité fait toujours ses fonctions ; elle n’est jamais en défaut, et la gloire de nos charmes est une affaire à part dont rien ne nous distrait. J’entendis même que ce jeune homme disait à l’autre du ton d’un homme qui admire : Avez-vous jamais rien vu de si aimable ?

Je baissai les yeux, et je détournai la tête ; mais ce fut toujours une petite douceur que je ne négligeai point de goûter chemin faisant, et qui n’interrompit point mes tristes pensées.

Il en est de cela comme d’une fleur agréable dont on sent l’odeur en passant.

Entrons, me dit la femme qui venait de sortir de la chambre. Je la suivis, et les deux hommes entrèrent avec nous. J’y trouvai cinq ou six dames et trois messieurs, dont deux me parurent gens de robe, et l’autre d’épée. M. Villot (vous savez qui c’est) y était aussi, à côté de la porte, où il se tenait comme à quartier, et dans une humble contenance.

J’ai dit trois messieurs, je n’en compte pas un quatrième,