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On m’enlève d’une maison pour me mettre dans une autre ; il fallait bien que mes hardes me suivissent ; le transport qu’on en faisait n’était qu’une conséquence toute simple de ce qui m’arrivait. Voilà ce que j’aurais pensé, si j’avais été de sens froid.

Quoi qu’il en soit, je passai une nuit cruelle ; et le lendemain, le cœur me battit toute la matinée.

Ce carrosse que l’abbesse m’avait annoncé fut dans la cour précisément à l’heure qu’elle m’avait dite. On vint m’avertir ; je descendis tremblante ; et le premier objet qui s’offrit à mes yeux quand on m’ouvrit la porte, ce fut cette femme qui m’avait enlevée de mon couvent pour me mener dans celui-ci.

Je lui fis un petit salut assez indifférent. Bonjour, mademoiselle Marianne. Vous vous passeriez bien de me revoir, me dit-elle, mais ce n’est pas à moi qu’il faut s’en prendre. Au surplus, je pense que vous n’aurez pas lieu d’être mécontente de tout ceci, et je voudrais bien être à votre place, moi qui vous parle ; à la vérité, je ne suis ni si jeune, ni si jolie que vous, c’est ce qui fait la différence.

Et nous étions déjà dans le carrosse pendant qu’elle me parlait ainsi.